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On a dézombifié le numérique public

jeudi 20 avril 2023

 

On a dézombifié le numérique public

Saison 1 : restitution du 7 avril

Le jour se lève sur l’urbanLab d’Erasme, le vélo-cargo de Pierre fend une foule compacte massée dans le bâtiment d’Erasme et telle une cigogne dépose José Halloy au pied d’un premier projet : celui de la Bibliothèque Numérique Métropolitaine intitulé Co-Libris.

Une médiatrice l’accueille “bonjour cher abonné, savez-vous que la bibliothèque vous propose désormais des contenus numériques, des films, des tutoriels, des podcasts, de la musique, des jeux, la presse en ligne, des objets 3D… ? Et bien je vous invite à en sélectionner un et à le disposer devant cet écran.” José se prête au jeu et saisit un film qu’il emboîte dans une fente devant l’écran. Celui-ci affiche un player vidéo recouvert de nuages opaques qui symbolisent l’impact énergétique du streaming sur le serveur. Plus le fichier est lourd, plus l’impact est fort, plus les nuages sont présents. On est en train de lui faire comprendre qu’en fonction du contenu qu’il veut lire, le choix de la qualité aura une importance. José râle un peu car il aime voir les films en bonne qualité, par contre il est prêt à faire des efforts s’il s’agit d’un tuto pour monter une armoire…
Sur le mur de la BNM, un poster baromètre détaille les différentes situations et rend compte de notre consommation d’énergie, quelques bonnes pratiques de développement web se dessinent (respect des données personnelles, limitation des requêtes, accès simplifié à l’outil…). En combinant les bonnes pratiques des individus et un développement sobre de la BNM, l’impact environnemental de cette solution utile à toutes et tous peut être minimisé. La bibliothèque numérique a bien été dézombifiée.


Tournant la tête, José aperçoit un deuxième espace intitulé Techshop Circulaire. Il y rencontre Thomas, régisseur de la techshop d’Erasme qui est au téléphone avec l’un de ses confrères du Pôle Pixel :
Oui Yannick, je peux te prêter un VP courte focale pas de souci. Tu préfères le full HD Optima GT1080e - focale / throw ratio 0.5:1 ou le Nex WT610 ?

Bien noté va pour le Nex WT610 !
Yannick arrive quelques minutes après, il est lui aussi régisseur mais pour une structure voisine d’Erasme. Thomas valide avec Yannick l’adéquation besoin/matériel, enregistre le matériel dans l’application Tech Circular, lui donne un petit nom (le vidéoprojecteur s’appellera Nera) et le prêt est enregistré ! En quelques minutes, Thomas a donc mobilisé du matériel dormant de sa techshop tout en évitant à un autre acteur d’acheter du matériel similaire. Il est possible de remarquer ce qui motive la démarche de Thomas et Yannick sur les murs de la techshop. Au-delà de l’intérêt économique de la mutualisation de matériel, c’est surtout l’impact écologique d’un parc machine qui est réduit. Différents outils permettent d’ailleurs de réaliser les bons choix pour minimiser son impact sur l’achat, la vie et la fin de vie du matériel. Ce dispositif laisse José songeur : et si toutes les structures de la Métropole de Lyon arrivaient à mutualiser leur matériel dormant, combien d’achats inutiles économiserions-nous ? Bref, la techshop d’Erasme a été dézombifiée.


A peine le temps de boire un café qu’un médiateur pousse José au fond d’une cabine comme celles qu’il y a devant les pharmacies pour les tests Covid. Là, il doit s’asseoir devant un clavier dont les lettres sont effacées ou complètement incompréhensibles. Sur l’écran un mail attend une réponse urgente. Le groupe des visiteurs est resté dehors et voit José sur l’écran de contrôle, qui tente une réponse. Il commente en disant que c’est facile pour lui car le clavier est son outil de travail, pourtant il commet bon nombre d’erreurs et se demande ce qu’il en serait pour une personne qui ne maîtrise pas la langue ou qui soit empêchée pour une raison ou pour une autre. En face, on me propose de mettre un casque de VR. Dans le SecondLab, le Métavers d’Erasme, je suis sur le quai d’une gare et je dois choisir le bon horaire. Mais mon avatar a des problèmes de vue, des taches gênent mon champ de vision. Un peu plus loin je suis dans le noir total et je dois m’orienter, pas simple de me guider à la voix.
Nous avons été accueilli par l’équipe qui met au point le simulateur d’exclusion numérique. Sur une table, leur baromètre ressemble à une carte en relief. Je peux choisir des chemins d’accès à l’information et je me confronte à des problématiques qui m’empêchent d’y parvenir. Le dispositif est très parlant pour le chef de projet que je suis, avec le simulateur je vais être en mesure d’interpréter le référentiel de l’inclusivité de manière concrète dans mes projets. Et ainsi dézombifier mes projets !

Sorti de la VR, quelque peu dérouté je me mets en quête de José, un autre groupe vient de lui confier une boîte : la Byope Box. On lui explique que cette boite est remise à tout nouvel arrivant à la Métropole et contient le pack numérique classique : une carte SIM, un téléphone portable et un ordinateur. Mais avant de l’ouvrir, un message sur la boite attire son attention : “As-tu du matériel informatique personnel ?”. Il s’avère qu’il possède un smartphone, aussi tourne-t-il la boîte du côté correspondant et lit le message suivant : “Serais tu prêt à utiliser ce matériel au travail ? Tu économises un appareil, réduis ton impact environnemental, bénéficies d’une rétribution annuelle de 100€ pour l’usage de ton matériel.” José sait pertinemment que 90% des émissions de GES liées à son smartphone sont liées à sa fabrication… Autant l’utiliser au maximum ! Une nouvelle fois José répond “oui” à la question et retrouve sur une nouvelle face de la boîte : “Bravo tu es dans l’équipe BYOD - Bring your own device, rapproche-toi de ton manager pour mettre en place les bonnes applications sur ton smartphone”.
Impressionnant comme une simple boîte aura pu lui permettre de faire un choix pas évident. Toutefois José ne dispose pas de PC portable, mais il apprend qu’il pourra utiliser son pro pour des usages personnels : c’est le COPE (Corporate Owned, Personally Enabled). Il découvre justement ce à quoi ressemble un portable avec une séparation hermétique entre ses espaces pro et perso. L’utilisation est intuitive et répond bien à son besoin de bien dissocier ses usages. Il le sent, à travers le BYOD et le COPE l’équipement des agents de la métropole a été dézombifié.

Rejoignez une expérience de participation citoyenne ! l’équipe de la startup Ygor lance un joyeux appel à la cantonade. En chercheur curieux de la nouveauté, José vient s’asseoir avec 3 autres personnes autour d’une table ronde qui rappelle vraiment La table ronde. Au centre une tour de briques de couleurs symbolise la Métropole de Lyon, en équilibre précaire nous dit-on, du fait de l’impact de nos actions et de notre mode de vie. José tire une carte mobilité, il apprend qu’il se rend au travail en trottinette. Cela lui coûte deux points, et cela coûte à l’équipe deux briques bleues en moins dans la tour équilibre de la Métropole. Par chance il y en a une sur le dessus, par contre les autres sont plus bas et les retirer fragilise l’édifice. Cinq minutes et quelques usages comme se déplacer en voiture, changer de smartphone ou utiliser de la vaisselle à usage unique plus tard, la tour Métropole s’écroule !
L’atelier nommé In’cit fait partie d’un projet qui vise à inciter les habitants à rejoindre les démarches de participation citoyenne mises en place par la Métropole. Mais aussi à s’engager facilement, au quotidien et de manière ponctuelle sur des sujets à fort impact pour la collectivité, qu’il s’agisse d’entraide, d’écologie ou encore de mobilité.
Pour ce qui concerne José, ça a marché, il est prêt à s’engager à titre individuel. Le baromètre de l’équipe lui permet justement d’évaluer ses actions individuelles et de les superposer à celles des autres participants. Cette superposition permet d’identifier en un coup d’œil les points forts et les points faibles de l’équipe. Une belle façon de dézombifier l’engagement citoyen !

Une dernière salle attend notre aventurier de la soutenabilité. Avec 5 autres personnes, il va participer à un atelier pour imaginer de manière collective, au sein d’un service, des manières plus durables d’utiliser l’environnement numérique de travail. Il comprend qu’il rejoint l’atelier “ENTendons nous” au milieu de session : la première partie aura été consacrée à la définition des besoins et des axes d’amélioration sur l’usage du mail, reste encore à définir précisément comment des actions concrètes vont être mises en place dans le service. Chaque participant va alors se saisir d’un axe d’amélioration : “je me désabonne de mes newsletters au fur et à mesure”, “j’arrête les pièces-jointes et utilise des applications de transfert de fichier” etc. Il s’agit alors d’illustrer chaque axe sélectionné avec des pictos et ainsi définir les nouvelles picto-règles du service ! En cinq minutes, l’équipe a déjà créé 6 nouvelles picto-règles partagées et acceptées par toutes et tous. Après cette effervescence, il est temps de se poser et de découvrir le baromètre qui présente une action menée par la Métropole : la migration vers une solution open source de messagerie, plus soutenable. En alliant ainsi actions individuelles, collectives et organisationnelles, les usages de l’environnement numérique de travail sont à leur tour dézombifiés !

Pour revivre cette aventure, les 6 projets se retrouvent aussi en vidéo :

Saison 2 : le mardi 11 avril

Le workshop est terminé mais la dézombification ne fait que commencer.
Chaque projet va suivre sa propre route à son propre rythme. Le simulateur d’exclusion numérique fait déjà l’objet d’un cahier des charges pour être consolidé et déployé auprès des chefs de projets numériques de la Métropole. De même, l’atelier Picto-Règles pour la co-construction de bonnes pratiques sur l’environnement numérique de travail a déjà été saisi par la cheffe de projet pour une consolidation. Deux projets qui battent des records de vitesse pour leur appropriation suite à un workshop !

La Byope Box a aussi impressionné le chef de projet responsable du déploiement du BYOD/COPE. Il est certain que la boite sera l’un des premiers outils déployés pour sensibiliser au BYOD/COPE- peut-être dans une forme renouvelée. Toujours dans le registre de la gestion du parc matériel, les baromètres du projet Circulab tech vont être retravaillés pour habiller la techshop et ainsi rappeler au quotidien les pratiques soutenables de gestion du parc. L’application de partage aura su convaincre de son utilité mais un chantier de développement doit être lancé pour la rendre opérationnelle. Par ailleurs, certaines questions restent encore en suspens autour de la responsabilité et de la contractualisation du prêt.

Le futur développement de la bibliothèque numérique métropolitaine intégrera certainement des concepts de dézombification, la cheffe de projet ayant vécu pleinement l’événément. Par ailleurs, le baromètre produit par cette équipe sera élargi afin d’orienter les développements futurs de plateformes métropolitaines. Enfin In’cit a requestionné la façon de mobiliser des citoyens pour des actions d’intérêt général. Espérons que ce nouveau format d’atelier puisse être mobilisé largement par le porteur Ygor !

Au-delà des 6 projets, il est déjà certain que nos 50 participants se poseront de nouvelles questions dans leurs projets numériques actuels et à venir. Qu’ils diffuseront ces questions, et une partie des réponses à leurs équipes. Et peut être que ces équipes diffuseront à leur tour cette nouvelle vision. Afin d’accompagner cette diffusion, nous allons continuer à publier notre fanzine officiel : Le Petit Zombie !

Le Petit Zombie a illustré le workshop dans toutes ses étapes. Les 3 premiers numéros, édités en nombre très limité, ont été diffusés aux participants en amont de l’événement. Ils ont permis de se plonger dans la thématique, de découvrir la veille inspirante, de se poser de premières questions à travers 3 axes différents :
usages du numérique et effets rebonds
dématérialisation et matérialité du numérique
instantanéité du numérique et vision à long terme

A travers ces 3 paradoxes, nous avons voulu apporter le positionnement de ce workshop : sur le fil, la corde, l’espace immense de possibles mais subtil entre techno-solutionnisme naïf et techno-critique absolue. Le workshop a permis d’apporter 6 illustrations de ce positionnement, ces 6 illustrations que vous connaissez à présent se retrouvent dans Le Petit Zombie 4, le livret de la restitution.

Nous continuons à utiliser ce format de fanzine pour consolider le bilan du workshop avec les 3 derniers numéros :
5. des baromètres pour évaluer la justesse d’usage du numérique dans nos projets
6. des leviers pour dézombifier le numérique
7. une vision à long terme du numérique à partager

Toute personne disposant de ces 7 numéros peut ainsi connaître l’impact du numérique, évaluer ses projets pour finalement les réorienter. Le Petit Zombie est à l’image du workshop : frugal, rare, mais pouvant essaimer largement. Alors si vous êtes intéressé.e par la démarche, n’hésitez pas à nous commander le coffret des 7 Petits Zombies à hello@erasme.org.

Saison 3 : 100 ans plus tard

En plus de lui avoir permis de déménager, le vélo cargo de Pierre se révèle être une Delorean, idéal donc pour voyager dans le temps. Afin de vérifier l’impact de nos projets et aussi pour valider ses hypothèses de travail, à savoir que la technologie peut évoluer sur le long terme vers des solutions moins énergivores, José décide d’emprunter le destrier et rentre la date de 2123 sur le boitier fixé au guidon. Il se met à pédaler de toutes ses forces en direction de l’urbanLab. Bam !

En entrant de nouveau dans les locaux rien n’a vraiment changé, le bâtiment est le même, les prototypes du showroom en carton n’ont pas pris une ride, l’équipe d’Erasme affiche toujours un sourire mais sur de nouvelles têtes :)
Dans un coin tourne le serveur baobab de la BNM, qui propose des contenus compressés et fonctionne sur la photosynthèse, alimentant des puces composées de muscle d’huîtres nourries à l’ersatz de compostage métropolitain. Les abonnés sont initiés à l’usage, la consommation du serveur a tellement baissé que les disques huîtres à basse consommation permettent de visualiser des contenus en qualité parfaite malgré une compression optimum. La BNM est parfaitement inclusive : le simulateur d’exclusion a sensibilité tellement de chef.fes de projet que plus personne n’arrive à concevoir des solutions excluantes. Les techniciens du Lab partagent des matériels recouverts de traces de vie et d’histoire, signe de leur longévité, un groupe de jeunes est en train d’arroser les plantes toujours plus nombreuses du jardin intérieur et de nourrir les chats…
La mutualisation du matériel a atteint son paroxysme : après avoir mutualisé les appareils personnels et professionnels, les membres d’Erasme ont ensuite mutualisé leur smartphone et leur ordinateur ! Seul le smartphone sert de processeur, on peut ensuite le connecter sur un poste avec écran, clavier et souris. Ce type de poste est évidemment partagé entre les membres de l’équipe : il est inutile d’en avoir un par personne tout le temps ! Les équipiers sont confiants pour la prochaine étape : il n’y aura plus qu’un seul smartphone/ordinateur pour tout le monde auquel chacun pourra se connecter via un simple écran organique.
Il va sans dire que les usages des mails et de l’environnement numérique de travail ont bien évolué : à chaque fichier sa place, chaque place à son fichier. Ce slogan a marqué la fin des copies, des transferts de fichiers, des sauvegardes individuelles, des redondances inutiles, des allitérations trop longues. La taille des serveurs de fichiers a fondu - comme le permafrost malheureusement - pour atteindre sa taille optimale pour une organisation telle que celle de la Métropole. Les agents sont engagés dans leurs usages numériques mais pas seulement : In’cit a aussi évolué et permet aujourd’hui à chacun d’agir selon ses préférences pour le bien général. Le tout avec une part de numérique minime dans l’accompagnement au passage à l’action, le levier principal est rapidement devenu la force du collectif !

Toutes ces évolutions se sont faites progressivement au cours du dernier siècle avec deux tendances très importantes. La première est bien sur la réduction de l’impact du numérique basé sur les terres rares à son minimum. Cette évolution a permis de faire émerger la seconde : l’émergence d’un numérique organique, circulaire, soutenable fortement. Aujourd’hui le numérique est en passe de devenir parfaitement circulaire, chose qui était inespérée car même pas questionnée en 2023.

Ouf se dit José, on a bien dézombifié le numérique public.

"Dézombifions le numérique public", un workshop écrit et réalisé par l’équipe d’Erasme en partenariat avec l’Ecole supérieure de design de Villefontaine. Avec dans les rôles principaux, les chefs de projets de la Métropole, la startup Ygor et les étudiants du DSAA. Conseil scientifique, José Halloy et le collectif Praticable. Développement et Design, Ludivine Bocquier, Arthur Schmitt, Anthony Couret, Arthur Baude, Palo IT, Pierre-Gilles Levalois. Réalité virtuelle, Guillaume Seyller. Storyboard, La Guilde de l’innovation. Décors, Soriana Im. Mise en scène, Jonathan Lobos. Catering Prestal et Fenote. Une production Métropole de Lyon à l’UrbanLab d’Erasme au Pôle Pixel 2023. La B.O. du workshop

Documents :

par Anthony Angelot, Christophe Monnet, Chloé Poncet